Mais, à la fin, il réalise une pirouette en appliquant un contrôle de proportionnalité dans lequel il estime que les provocations ont eu des effets réels mesurés et que donc la dissolution est excessive.
On peut voir cette solution de deux manières. Tout d’abord, on peut penser que le Conseil d’État a estimé que les violences les plus graves ont été commises par des personnes non liées aux Soulèvements de la Terre. Mais il est également possible de la voir, et je pencherais pour cette hypothèse, comme un avertissement sans frais, peut-être accordé en raison de la sympathie dont bénéficie le mouvement. Il n’est donc pas du tout à exclure que s’il y a de nouveaux appels à manifester, avec de nouvelles violences, le ministère de l’intérieur ne retente pas sa chance.
Au mois d’août dernier, le Conseil d’État avait déjà suspendu cette dissolution au motif que les violences avaient été « en nombre limité » et qu’elles s’étaient inscrites dans le cadre de la « désobéissance civile ». Que change sa décision sur le fond sur ce point ?
Le Conseil d’État dit quelque chose d’important pour la suite, à savoir que le fait que l’association défende une cause environnementale n’a pas d’influence sur la caractérisation de la provocation à la violence. C’est une remise en cause de ce qu’avaient dit les juges des référés et même un désaveu de leur décision.
Cette position contraste avec la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a pu considérer, notamment sur l’affaire des décrocheurs de tableaux du président, que certains actes ne constituent pas des infractions s’ils relèvent de la liberté d’expression. Aujourd’hui, le Conseil d’État juge que ce raisonnement ne s’applique pas pour les dissolutions.
La prise de position du Conseil d’État limite l’idée, espérée par certains, que l’action environnementale, même parfois violente, échappe aux mesures administratives du fait de la légitimité de leur action. L’administration, par cette décision, pourrait ainsi avoir plus de latitude pour agir contre des associations écologistes. Le bouclier qu’aurait pu constituer la désobéissance civile est fortement remis en cause.