La Durance donatrice ...

La Durance donatrice

On lui doit quelque chose, parce que c'est d'elle qu'on vit, c'est elle qui, tous les jours, accomplit le miracle de nous offrir l'eau, qui nous permet d'avancer un jour de plus.

Alors la gratitude s'applique spontanément comme la réciprocité. Aucun blabla sur l'harmonie avec la nature, mais des pratiques quotidiennes de connexion et de cohabitation.

Voir la Durance comme un environnement donateur, c'est ainsi entretenir un autre rapport à la rivière, que connaissent ceux qui cultivent ou pêchent ce qu'ils mangent, en négociant des relations complexes avec l'écosystème. Nos relations avec le sauvage ont bien pu prendre la forme de la rivalité virile et guerrière dans l'histoire de l'occident, elles peuvent et doivent aujourd'hui prendre une autre forme. Une prise de conscience que nous partageons avec la Durance une communauté de vie et une communauté de destin.

La guerre avec le sauvage n'est qu'un fantasme de notre héritage.

On peut entrer dans des relations de respect et de réciprocité avec la rivière, passer une alliance avec elle. Les relations possibles pour rendre la vie vivable et le monde habitable ne sont pas cantonnées à la domination exclusive du territoire. Qu'on peut passer des formes de pactes et d'accords, mais qui ne fonctionnent que s'ils font sens pour la rivière, avec sa manière différente de voir le monde. L'homme occidental doit se libérer des mythes belliqueux dont il a hérité, pour passer à des relations de respect mutuel et de réciprocité. C'est une autre manière de se rapporter au monde vivant : faire de la diplomatie, négocier, essayer d'inventer des modus vivendi acceptables pour tous, ou mieux encore : quand c'est possible, des relations mutuellement bénéfiques.

Fabriquer du vivre ensemble avec la rivière avec qui on partage une communauté de vie et une communauté de destin. Les négociations sont souvent musclées, et parfois les inondations sont inévitables. Mais ce n'est pas une guerre, c'est l'inverse : ce sont des processus pour inventer la paix entre ceux qui ont tous droit à partager ce monde. Parce que ce sont eux qui constituent l'environnement donateur qui nous fait vivre. Soyons capables de nous réinventer, de voir autrement la relation à la Durance et à sa vallée qui nous font vivre et que nous partageons avec les poissons, le sable et les cailloux, les arbres et les végétaux,... Bricoler des formes étranges de réciprocité et de cohabitation, des pactes concrets, qu'il faut inventer, expérimenter, jusqu'à ce que ça marche.

Et qu'on puisse enfin partager la terre...

Pierre F le 17 septembre 2020

                             D'après un texte de Baptiste Morizot Philosophe et écrivain.

 

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 Orthetrum Coerulescens(bleuissant) Pertuis Août 2020